MARIE FRANCE featuring PHANTOM, MIAM MONSTER MIAM & JACQUES DUVALL
30/05/2008 La Flèche d’Or (soirée “LE NOUVEL AN BELGE”) :
Hier, la Flèche était d’Or remplie plus qu’à ras bord, notamment par de très nombreux fans du groupe electro pop gothique VIVE LA FÊTE, tête d’affiche de cette soirée. Je trouve que ça aurait dû être MARIE FRANCE & PHANTOM le groupe star de ce “NOUVEL AN BELGE”, artistiquement et rock’n’rollement parlant. Vers 21h45, annoncée par un présentateur à lunettes double foyer chouettement dingo et secoué du cerveau, à l’esprit typiquement “belgien Benoît Poelvoorde”, l’équipée PHANTOM démarre son set de façon directe et fracassante avec l’instrumental “MARIE FRANCE FROM PARIS”.
Arc-bouté sur sa guitare, prenant des poses rocky de profil égyptien, le guitariste BENJAMIN SCHOOS — alias MIAM MONSTER MIAM (compositeur des morceaux et réalisateur du CD) — arborait (au second degré) une grosse paire de lunettes noires faisant penser à des yeux de mouches. Pour épauler ce dernier ainsi que GEOFFROY DEGAND (batterie) et PASCAL SCHYNS (basse), il y avait à la seconde guitare le dessinateur JAMPUR FRAIZE (qui donc joue de façon très convaincante de la six cordes version garage bluesy rock dynamique).
Au début de cet instrumental, encapuchée sportswear le temps d’une minute trente, masque de Zorro sur les yeux (qu’elle gardera jusqu’à la fin du deuxième morceau), MARIE FRANCE est assise sur un retour du côté droit de la scène. Puis elle se trémousse et danse tranquillos au milieu des musiciens en guise de démarrage du show. Elle porte la terrible robe orange Fifi Chachnil (comme au Centre Wallonie Bruxelles de Paris le 20 février dernier) ainsi qu’une perruque orangée “au carré” à la Louise Brooks (la même qu’elle arborait au show cabaret de la Foire de Paris le 1er mai). Perso, je préfère quand elle est sur scène avec ses cheveux longs un peu rebelles, mi-lâchés mi-choucroutés (comme c’était le cas au CWB, justement).
« Vous préférez la rockeuse hard ou la rockeuse sweet ? », demande MARIE FRANCE (plusieurs réponses fusent dans le public : « Les deux ! », « hard », « sweet »). Elle tranche en disant : « Eh bien, vous aurez droit aux “Deux pour le prix d’une” ! » (clin d’œil à la chanson du même titre écrite par Duvall ?). « Voici “LES NANAS” ! » Et BENJAMIN SCHOOS de jouer l’intro sous influence “Hey Joe” de Jimi Hendrix.
« Je n’les adore pas des masses, les nanas / Les nanas, leur cinéma, leur blah-blah de nana / On ne peut pas leur clore le bec aux nanas (etc.) » : cette fois, sur la musique heavy bluesy au tempo rockabillysé lent, MARIE FRANCE allume le feu chez les spectateurs et spectatrices. Le texte est clairement féministe mais (dé)tourné de manière comme JACQUES DUVALL sait parfaitement le faire. C’est-à-dire avec une plume maline, pertinente, aiguisé, drôle, fine et doté de plusieurs niveaux de lecture. Les textes de Duvall ont cette spécificité de pouvoir toujours être “redécouverts” avec le même plaisir que lors de la première écoute, même après avoir entendu des centaines voire des milliers de fois les morceaux dont il a signé les textes.
« La toute première chanson faite avec Duvall, quand j’étais encore punkette », déclare MARIE FRANCE pour présenter “DÉRÉGLÉE”, titre garage punky 1977 revisité rock’n’roll puissant, à la fois rapide et carré, par PHANTOM. Depuis décembre 2002, la seule fois où j’ai vu MARIE FRANCE interpréter ce titre, c’était justement le jour de la rencontre-étincelle-alchimie magique entre elle et PHANTOM (au concert “JACQUES DUVALL & LE FREAKSVILLE ROOTS BAND” au Klub le 20 décembre 2006). Sans doute parce que ce titre nécessite clairement un groupe électrique (ce qui n’est pas le cas de “DAISY”, la face B de ce 45 tours 1977) et qu’il est assez difficilement jouable en version piano & violoncelle (dans le cadre du spectacle “LA FILLE AU CŒUR D’OR”), à moins de donner à ce titre un tout autre esprit musical (et en gardant le même texte).
MARIE FRANCE était en furie, prenant sa voix aiguë de rockeuse déchaînée (comme sur les titres “CHÉRI CE S’RA MOI” ou “YOURI” de son album “39° DE FIÈVRE” de 1981). L’interprétation vocale de “DÉRÉGLÉE” par MARIE FRANCE 2006/2008 est beaucoup plus aboutie, à la fois destroy et magique, que sur la version studio originelle.
« Monsieur Duvall, vous ne voulez pas venir faire les chœurs le temps d’une chanson ? », lance MARIE FRANCE. Et hop, aussitôt de derrière sur la scène, surgit JACQUES DUVALL dans sa tenue de ville (blouson et jean noirs) pour “QUE SONT-ILS DEVENUS”. Partageant le micro de BENJAMIN SCHOOS (qui continue aussi à guitariser bien sûr, et notamment ici ce riff nerveux et sec tendance Cramps), il répète donc entre chaque vers les mots « Que sont-ils devenus ? », tandis que MARIE FRANCE énumère : « Akhenaton est un rapper / (…) Corneille est un chanteur / Céline est une chanteuse / (…) Camus est un manager (…) » Par rapport à la version studio, GEOFFROY DEGAND rajoute sur les refrains des tempos de batterie en plus.
« On demande un violoniste sur scène pour jouer une ballade qui s’intitule “BLEU” » : c’est ainsi que MARIE FRANCE fait appel au violoniste HENRI GRAETZ (qui joue aussi sur la version studio) le temps de ce morceau électro-acoustico très émouvant qui raconte la fin d’une histoire d’amour. Le gimmick de guitare de BENJAMIN fait penser à ceux des poppysants “I’ll Be Your Mirror” ou “Sunday Morning” des (pourtant habituellement névrosés) The Velvet Underground.
Pour ce titre “BLEU”, MARIE prend sa voix douce et mélancolique (qu’elle a par exemple lorsqu’elle chante “LA FILLE AU CŒUR D’OR” ou “JACK JOUE AVEC LE FEU” lors de ses récitals en trio avec le pianiste CHRISTOPHE CRAVERO et la violoncelliste-bassiste VALENTINE DUTEIL). Et c’est super joli à entendre, notamment quand elle chante des mots tels que « Bleus les yeux de fille / Qui m’a piqué mon roi de cœur » ou « Bleue la robe de Marie ».
« Mon public adoré !, dit-elle de manière conviviale en endossant symboliquement son esprit de meneuse de revue, Je vous avais promis que je reviendrai donner un concert dans votre ville. Marie France tient toujours ses promesses. Et maintenant, voici une chanson pour les romantiques que nous sommes tous : “LE CHAGRIN ET L’AMOUR” », dit MARIE FRANCE. Dans la version live de cette cavalcade, les guitares aux sonorités légèrement surf ressortent de façon plus distincte et plus claire que sur disque.
« Les 19 et 20 septembre, nous allons jouer à Berlin. C’est loin, très loin ! Bruxelles, c’est la grande banlieue. Mais Berlin… Heureusement, PHANTOM et JACQUES DUVALL m’ont convaincue », dit d’un ton complice vis-à-vis de ses musiciens MARIE FRANCE. « “MA PUCE” ! » Et c’est parti pour ce rock déjanté et carré des plus terribles. Il est musicalement dans la même ambiance que “CRACHER MA BILE” (joué deux morceaux après). Les textes de ces deux titres semblent être eux aussi conçus dans une même vision. Ils permettent à MARIE FRANCE de jouer le rôle d’une Femme Catwomanesque Killeuse Intraitable (comme le personnage que joue Uma Thurman dans “Kill Bill (1 & 2)”), une sorte de Fujiyama Mama déterminée et à qui il ne faut pas chercher des crosses.
« Un bon conseil avant d’entamer la Nuit Noire : “MÉNAGE À TROIS” », l’ode au narcissisme (© Marie France 20/03/2008 au Bon Marché — « (…) il y a mon ombre et mon reflet dans l’miroir (…) ») écrite par Jacques Duvall et qui est lisible à plusieurs niveaux. « Cette chanson est la petite sœur de “JE NE ME QUITTERAI JAMAIS », a récemment déclaré MARIE FRANCE dans une interview radio. Par rapport à la version studio, BENJAMIN SCHOOS et ses acolytes rallongent la fin de cette chanson mi-western mi-The Shadows avec quelques sons de guitare fifties un peu à la “Apache”.
MARIE FRANCE présente ensuite ces quatre musiciens. Elle précise notamment que « sans JACQUES DUVALL et sans BENJAMIN SCHOOS, je ne serai pas là ce soir ». En effet, sans la gniak et la positive attitude de BENJI SCHOOS et son label hautement créatif FREAKSVILLE RECORDS, MARIE FRANCE n’aurait sans doute pas eu l’occasion d’enregistrer à nouveau un disque de rock, vingt-six ans après le mythique 33 tours “39° DE FIÈVRE” (conçu avec PALMER, DYNAMITE et THOURY du groupe BIJOU). D’ailleurs, ces deux albums sont tout aussi réussis et chefs-d’œuvresque, dans un style différent (bluesy garage punk chromé pour “PHANTOM feat. MARIE FRANCE”, influences yé-yé sixties rockab’ avec les guitares 1 2 3 4 carrées magiques du maestro VINCENT PALMER pour “39° DE FIÈVRE”) mais ayant tous deux leur propre son, novateur, excitant et intemporel.
MARIE FRANCE clôture par “J’ARRÊTE”. Un titre pas évident à chanter et où elle doit économiser son souffle, car c’est encore plus rapide que “DÉRÉGLÉE” (et avec peu de temps mort en plus). Mais en live comme en studio, c’est 100 % mission réussie. Elle chante ça avec une apparente facilité, tranquillos comme une lettre à la poste, alors que c’est vraiment un tempo effrené.
Comme l’a dit JACQUES DUVALL le lendemain soir dans le “19/20” de France 3 Île-de-France dans un reportage consacré à MARIE FRANCE (qui était aussitôt après invitée en direct sur le plateau, en pleine forme, en tenue de ville super top et génialement coiffée comme au CWB le 20 février) : « Pour moi, c’est LA chanteuse rock. Il y a Johnny Hallyday, et il y a elle. »
FG